Des questions fiscales liƩes au Brexit?
- Fiscactu
- 5 nov. 2020
- 4 min de lecture
Article rédigé par Simon Graff publié le 5 novembre 2020 / Simon est un étudiant diplÓmé en droit de l'Université de Gand et est actuellement stagiaire à la Commission européenne
En matiĆØre de droit fiscal europĆ©en, il convient dāabord de poser une dichotomie : entre, dāune part, les impĆ“ts directs et, dāautre part, les impĆ“ts indirects. Cependant, force est de constater que ces notions restent indĆ©finies dans les traitĆ©s. La jurisprudence luxembourgeoise nous Ć©claire de sa lanterne et dĆ©finit la fiscalitĆ© directe de la maniĆØre suivante : Ā« [tout impĆ“t] prĆ©levĆ© directement sur celui qui en supporte la charge Ć©conomique, un impĆ“t direct est un montant payĆ© par ce dernier Ć un tiers qui nāen supporte pas la charge Ć©conomique, mais qui est redevable de lāimpĆ“t. Ā»[1] comme lāimpĆ“t sur la fortune par exemple. A contrario, la fiscalitĆ© indirecte consiste en une mĆ©ta-catĆ©gorie contenant toutes les autres formes dāimpositions comme la TVA par exemple. La fiscalitĆ© indirecte ne sera pas commentĆ©e dans cette brĆØve.
Quelles compƩtences pour quels acteurs ?
Au sujet de la rĆ©partition des compĆ©tences entre lāUE et ses Ćtats Membres, lāUE ne dispose que des compĆ©tences qui lui ont Ć©tĆ© attribuĆ©es. En effet, lāarticle 5 du TUE dispose quā Ā« En vertu du principe d'attribution, l'Union n'agit que dans les limites des compĆ©tences que les Ćtats membres lui ont attribuĆ©es dans les traitĆ©s pour atteindre les objectifs que ces traitĆ©s Ć©tablissent. Toute compĆ©tence non attribuĆ©e Ć l'Union dans les traitĆ©s appartient aux Ćtats membres. Ā»[2].
En matiĆØre dāimposition directe, aucun transfert de compĆ©tence vers lāUE nāa eu lieu au fil de lāĆ©volution des traitĆ©s. Les Ćtats Membres restent ainsi souverains en la matiĆØre, ce qui a Ć©tĆ© confirmĆ© par la CJUE Ć moult occasions[3]. Cette jurisprudence constante confĆØre le droit aux Ćtats Membres dāadopter des mesures unilatĆ©rales en la matiĆØre.[4]
La préparation à un Brexit (dur)
Chaque Ćtat Membre est donc en principe libre dāadopter des mesures singuliĆØres Ć lāĆ©gard du Royaume-Uni. Plusieurs Ćtats Membres ont dāailleurs adoptĆ© ce type de mesures afin dāanticiper le dĆ©sordre crƩƩ par un Brexit sans accord de retrait.[5]
Un cadre dāobligations entourant la compĆ©tence souveraine des Ćtats Membres
En revanche cette compĆ©tence souveraine nāexonĆØre pas les lĆ©gislateurs nationaux de leurs obligations europĆ©ennes[6], les dispositions relatives au marchĆ© intĆ©rieur sāopposent Ć une compĆ©tence absolue en matiĆØre de fiscalitĆ© directe[7]. Par exemple, il est interdit de discriminer entre deux Ćtats Membres.[8] En outre, dans une telle entreprise, les Ćtats Membres doivent veiller Ć ne pas mettre en pĆ©ril la politique commerciale commune ā compĆ©tence exclusive de lāUE[9]. Selon la jurisprudence constante, un acte lĆ©gislatif relĆØve de la politique commerciale commune si les deux conditions suivantes sont remplies. PremiĆØrement, lāacte doit se rapporter spĆ©cifiquement au commerce international en ce sens qu'il vise essentiellement Ć promouvoir, faciliter ou rĆ©gir les Ć©changes. DeuxiĆØmement, il doit avoir un effet direct et immĆ©diat sur le commerce[10].
[1] Conclusions de lāAG Strix-Hackl du 14 mars 2006, Banca Populare di Cremona, C-475/03, EU:C:2005:183, point 54. Voir aussi Trotabas, L. Droit fiscal (Dalloz 1996), p. 65. [2] Voir aussi Art. 4(1) TUE. [3] ArrĆŖt du 21 septembre 1999, Saint-Gobain ZN, C-307/97, EU:C:1999:438, point 57; arrĆŖt du 14 dĆ©cembre 2000, AMID, C-141/99, EU:C:2000:696, point 19; arrĆŖt du 19 septembre 2000, Germany v. Commission, C-156/98, EU:C:2000:467, point 80; arrĆŖt du 16 juillet 1998, ICI, C-264/96, EU:C:1998:370, point 19 ; arrĆŖt du 12 mai 1996, Gilly v. Directeur des services fiscaux du Bas-Rhin, C-336/96, EU:C:1998:221, points 24-30; arrĆŖt du 24 octobre 2018, Sauvage and Lejeune, C-602/17, EU:C:2018:856, point 27; arrĆŖt du 24 octobre 2019, Belgian State (IndemnitĆ© pour personnes handicapĆ©es), C-35/19, EU:C:2019:894, point. 3; K. Lenaerts et L. Bernardeau (2007) Lāencadrement communautaire de la fiscalitĆ© directe, Cahiers de droit europĆ©en, p. 23; M. Isenbaert (2009) The Contemporary Meaning of āSovereigntyā in the Supranational Context of the EC as applied to the Income Tax Case Law of the ECJ, EC Tax Review, p. 264; M. Isenbaert, āEC Law and the Sovereignty of the Member States in Direct Taxationā (IBFD 2010); M. Wathelet (2000) Les incidences de la libre circulation des personnes, des services et des capitaux sur la fiscalitĆ© directe nationale ā Orientations de la jurisprudence de la Cour de Justice des CommunautĆ©s europĆ©ennes, Journal des tribunaux, p. 761. [4] ArrĆŖt du 23 fĆ©vrier 2006, van Hilten-van der Heijden, C-513/03, EU:C:2006:131, point 47. [5] Voir par exemple les modifications lĆ©gislatives apportĆ©es par la Belgique, la France, l'Allemagne, l'Italie, les Pays-Bas et l'Espagne : les codes fiscaux fĆ©dĆ©raux belges introduisant une pĆ©riode transitoire pour permettre au Royaume-Uni d'ĆŖtre considĆ©rĆ© comme faisant toujours partie de l'UE aux fins de l'application des dispositions fiscales - 7 mars 2019 ; l'ordonnance franƧaise n° 2019-75 du 6 fĆ©vrier 2019 relative aux mesures prĆ©paratoires au retrait du Royaume-Uni de l'UE dans le domaine des services financiers ; Loi allemande sur les dispositions fiscales et autres dispositions d'accompagnement du retrait du Royaume-Uni de l'UE - Brexit STBG - 25 mars 2019 ; DĆ©cret Brexit italien n° 22 - 25 mars 2019 ; Proposition lĆ©gislative nĆ©erlandaise avec des dispositions transitoires pour un Brexit dur - 29 janvier 2019 ; DĆ©cret-loi royal espagnol 5/2019 du 1er mars 2019. [6] M. Isenbaert, EC Law and the Sovereignty of the Member States in Direct Taxation (IBFD 2010) para. 490. [7] ArrĆŖt du 7 mai 1985, Commission c. France, C-18/84, EU:C:1985:175 ; ArrĆŖt du 14 mars 2019, Jacob et Lennertz, C-174/18, EU:C:2019:205. [8] ArrĆŖt du 14 dĆ©cembre 2006, Denkavit Internationaal and Denkavit France, C-170/05, EU:C:2006:783; arrĆŖt du 12 avril 2018, Commission v. Belgium, C-110/17, EU:C:2018:250. [9] Art. 3(1)(e) du TFUE. [10] Avis du 6 dĆ©cembre 2001, Protocole de Cartagena, Avis 2/00, UE:C:2001:664, point 40 ; arrĆŖt du 18 juillet 2013, Daiichi Sankyo, C-414/11, UE:C:2013:520, point 51 ; arrĆŖt du 25 octobre 2017, Commission c. Conseil, C-389/15, EU:C:2017:798, point 65 ; avis du 16 mai 2017, Accord de libre-Ć©change de Singapour, Avis 2/15, EU:C:2017:376, point 36.